Oui, je sais, je suis en retard, c’est inadmissible… Oui, j’ai quitté le navire mais, pour mon excuse, je squattais le bateau ivre. Outre mon besoin de me remettre de toutes les cuites que je me prends et le fait que je travaille approximativement 60heures par semaine, faut dire que j’étais quand même vachement occupée à réinventer le Cluedo. Parfaitement. Vous savez, le Cluedo, c’est ce jeu où plusieurs personnages sont enfermés dans un huis clos (un manoir) et où il faut découvrir qui a tué le personnage principal, dans quelle pièce et avec quelle arme… Enchevêtrement basique d’indices négatifs dans le but d’arriver à la bonne combinaison. Le colonel moutarde dans la salle de bain avec un tampon usagé… Ouais.

Arrive le fameux moment où je vous explique mon délire et où j’en perds les trois quarts en route… L’enquêteur s’appelle Ninja. Vous avez à votre disposition une quinzaine de personnages répartie dans trois établissements se situant tous dans un rayon de moins de 500 mètres. Le ratio homme/femme est à peu près équivalent et les heures auxquelles ils travaillent sont plus ou moins similaires. Chaque personnage a ses propres caractéristiques, on a des serveuses, des serveurs, des cuistots. S’y rajoute évidemment l’alcoolique du groupe qui squatte le troisième établissement (un bar) tous les soirs pour boire un double martini en attendant les autres, le tout pour créer de nouvelles interactions. Ninja, brave patronne avide de potins, est donc votre point de départ. Son but est de savoir : qui apprécie qui, qui sort avec qui, qui couche avec qui, qui se dispute avec qui, qui se drogue, qui fume, qui boit, qui est pote avec qui et, surtout, qui va lui raconter le plus d’autres « qui » pour qu’elle puisse enfin tout savoir. Les deux cuistots aux tailles improbables du restaurant d’à côté sont-ils frères? La grande brune alcoolique est-elle vraiment alcoolique? Les trois dingos du maracaïbo vont-ils arriver en état de travailler demain? Le colonel moutarde dans la salle de bain avec un tampon usagé…

Tout ça pour vous dire que je vis dans un monde à part, que la restauration a un petit côté autiste assez cool et que j’arrive à trouver des vacances au milieu de tout ce boulot à bouffer tous les jours. Pas grand chose de neuf sous les cocotiers à part la Guadeloupe qui se profile à l’horizon, on dirait presque que je vous écris une carte postale. En même temps, je prends mon service dans pas longtemps, faut encore que je me douche, que je me change et que je m’alimente… Arrivée à ce stade de la conversation j’ai surtout l’impression d’avoir parlé pour ne rien dire mais c’est pas grave, j’écrirais demain pour me faire pardonner de mon abandon et, en plus, j’écrirais un truc intéressant. C’est pas gagné.