Peut-être avez-vous suivi l’allocution de M. Sarkozy de mardi soir. Pour ma part, la douleur ayant ses limites, j’avoue mon incapacité à suivre ce monologue jusqu’au bout. Notre cher Président était au top de sa forme : je n’ai jamais assisté à une interview aussi assommante. Peut-être était-ce dû à ce ton mielleux. A moins que ce ne soit son air fayot. Anyway. Il nous a donc exposé la toute nouvelle ligne du gouvernement… qui ne change pas d’un pouce en réalité. Ah si. Notre mentor et modèle ne serait plus anglo-saxon mais allemand. Changement de chemise donc. Mais pourquoi pas après tout, il aurait fallu une bonne dose de bêtise ou d’entêtement pour continuer à suivre un exemple qui a plongé le monde dans le gouffre de la crise.

Protecteur et calme, articulant chacun de ces mots, le Président n’a laissé subsister aucune trace de son ancienne ferveur qui frisait la pathologie. Le Président n’oublie personne. Pas même les « vieux », comme il les nomme. Conscient de sa stature et de ses engagements, il confie aux français : « ce n’est pas raisonnable pour moi de m’occuper d’un sujet comme ça très difficile, très lourd mais c’est mon devoir.» . Wouaho. Quel homme intègre. D’ailleurs il ne pense pas du tout à la réélection. Il va y réfléchir et nous donnera sa réponse à l’automne prochain. Les pronostics paraissent dorénavant très compliqués : candidature ou pas? Décidément, quelle carrure! Il se dit même «conscient du ridicule de (son) propre intérêt par rapport aux attentes des gens qui sortent à peine de la crise».


Pour mener à bien son grand dessein au service des français, vous ne serez pas sans savoir que le Président a constitué une équipe de choc (alors ce n’était pas le cas avant?). Du coup, exit Borloo. Comme tous les centristes et gauchiste d’ailleurs. Comment ça un recentrage à droite? Vous plaisantez? Il y a Michel Mercier à la Justice, un proche de Bayrou. Permettez moi de vous dire que vous faites erreur, comme dirait l’autre. Ce gouvernement reste un gouvernement d’ouverture, et n’est certainement pas un gouvernement de campagne. Ce serait impensable d’user du corps exécutif à des fins électorales après tout.

Je me demande s’il n’a pas soudoyé les journalistes de TF1 et France 2 pour passer quelques messages subliminaux (« je suis gentil »). Mais peu importe. Le Président ne pense pas à l’impopularité. Il ne fait d’ailleurs pas confiance aux sondages. Cela ne l’empêche pas d’abattre deux des symboles de son impopularité : le bouclier fiscal et le ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale. Mais il a une raison : «J’ai renoncé à « l’identité nationale » comme mots, parce que ça avait suscité des malentendus. Mais sur le fond je n’y renonce pas». «Si on ne maîtrise pas les flux migratoires, on organise le « collapse » de notre système d’intégration.». Mis à part sa maîtrise de l’anglais et la pertinence de son analyse sur l’immigration (n’était-ce pas là une occasion d’exposer un peu plus sa vision et de rassurer les français qui, comme moi, ont l’impression d’assister au retour des casques à pointe?), j’avoue me sentir quelque peu mal à l’aise devant une telle contradiction. M. Sarkozy ne se soucie pas de son impopularité mais supprime le ministère qui en est responsable tout en conservant la même vision du sujet? Pfiou. Je suis perdu.

Pour que ce speech soit parfait, il ne manque que deux choses : un peu de compassion, et un peu de Sarko. L’un et l’autre sont présents. Voyez par vous même. Concernant le G20, cette farce qui prétend régler les différends monétaires internationaux, le Président a déclaré que « l‘échec de l’Afrique sera le drame de l’Europe. J’entends que la France montre l’exemple sur la taxation des transactions financières (pour financer le développement de l’Afrique) ». Si nous voulions aider les pays pauvres, peut-être devrions nous enfin verser les 2% du PIB réclamés par l’ONU pour financer le développement du Tiers-Monde. A moins que ce soit plus productif de lancer des paroles en l’air.

Enfin, un peu de Sarko. Bah oui, il nous manque Sarko. Le bon vieux Sarko qui s’énerve, qui traite les gens de pauvres cons, qui veut passer au karcher les cités, pour qui tout est simple. Ne vous inquiétez pas, vous ne le voyez pas, mais il est toujours là. D’ailleurs, sur la question des Roms et du discours de Grenoble (pauvre de moi qui suis grenoblois), il rétorque : «Vous créez vous-mêmes, vous les médias, une situation de stigmatisation. (…) Dans le discours de Grenoble, il n’y a pas eu outrance. Je ne regrette rien de ce discours, pas un mot.». Il me semblait pourtant que le Président avait alors envisagé la possibilité de retirer la nationalité aux français délinquants qui seraient d’origine étrangère? Mais à qui pensait-il? Sûrement aux italiens, vous en conviendrez. Il faut comprendre que ce que le Président est en train de nous dire, c’est qu’il y a un lien de causalité entre délinquance et immigration. Soit, ça peut se discuter, il a évidemment une crise de l’intégration en France, et toute crise provoque des troubles. En revanche, il nous explique qu’en vertu d’origines ethniques, on pourrait procéder à une sanction qui aurait pour fondement cette appartenance raciale? Je ne suis pas encore juriste professionnel, mais il me semble que ce genre de sanction serait non seulement contraire à la Constitution française car ciblant un groupe d’individu (pour des critères raciaux qui plus est), mais aussi quelques pactes fondamentaux sur les droits de l’homme?

Ha Sarko… tu étais gentil mardi. Presque sympa. J’avais bien un peu l’impression que tu nous prenais tous pour des imbéciles mais bon. Passons. C’est sûr que maintenant, tu m’as convaincu. Tu es le pire des populistes français. Pourtant on en a une belle brochette. Ce sera bien le seul titre que je daignerais t’accorder.

 

édit : je viens d’entendre quelques mots superbes : « Il y aura toujours des fous, et des cons pour les suivre ». N’y voyez, bien entendu, aucun rapport avec l’article ci-dessus.