Attention, cet article a besoin d’une sacrée dose de second degré.

Aujourd’hui, je me suis dit qu’une petite réflexion philosophique ne nous ferait pas de mal, ni à moi ni à vous. Aussi, réfléchissons ensemble. Le problème, dans mon quotidien, c’est qu’on n’arrête pas de me sortir des formules bien senties et creuses du genre « c’est bien », « c’est mal », « tu ne devrais pas faire ça, c’est mal », « ce n’est pas bien ». Well. Stop. J’ai du mal avec ces notions, pourtant basiques, mais je suppose que c’est principalement parce que j’y ai déjà trop réfléchi. La question profonde c’est qu’est-ce qui définit le bien et le mal. Qui est la personne qui a décidé de la norme séparant le bien du mal? C’est quand même vachement subjectif comme perception, cette histoire, d’autant plus que c’est carrément manichéen. Les actes deviennent discutables, étudiables, etc. C’est un peu le bordel vis à vis de cette classification sacrée qu’est celle du bon et du mauvais.

 

Je développe. Le bien, le mal, tout ça, ce sont des considérations morales qui sont changeantes, on n’a pas de grandes encyclopédies à ce sujet ni de critères absolus. Par exemple, chez les Grecs, l’homosexualité était la forme la plus pure d’amour puisqu’elle découlait du mythe de l’androgyne. Des siècles plus tard, l’homosexualité est devenue un péché, un crime. Au jour d’aujourd’hui, l’homosexualité c’est neutre, on a le droit de l’être, tout ça, mais ça reste quand même un sujet récurrent de débat. Pareil pour la peine de mort. Depuis des lustres, la société mettait à mort les criminels les plus dangereux puis, par un courant de pensée lié à l’évolution alors même que l’humanisme n’avait pourtant pas réussi à faire évoluer la situation, on a fini par décréter que la peine de mort c’était mal. C’est bien la preuve que les humains ne sont pas foutus de se mettre d’accord les uns les autres, non? J’espère que vous commencez à me suivre parce que je n’ai pas fini.

L’étude peut aller plus loin encore dans son paradoxe. En effet, ne vous êtes vous jamais demandés si cette histoire de bien et de mal ce n’était pas qu’une simple pression sociale pour vous forcer à agir comme « on » souhaite que vous agissiez? Prenons l’exemple vu et revu du terrorisme. Le bien commun s’accorde majoritairement sur le fait que tuer des gens c’est mal, surtout quand on les tue en masse. De même, on est également d’accord sur le fait que piéger un train en jouant à la bombe humaine, c’est illégal et très très mal. Ouais, et alors? J’écris cet article depuis un wagon de la SNCF et je m’interroge. Qu’est-ce qui m’empêche, moi, de me balader avec une bombe dans mon sac pour faire sauter mon train? A part la peur de mourir, éventuellement, et la conviction que ce serait quand même super mal de faire ça. Boarf, c’est à peine si ça m’atteint, je m’en fous. Imaginons maintenant que je sois une intégriste religieuse, persuadée d’agir pour le bien de l’humanité et pour Dieu. En ce cas, ce que je pourrais faire dans ce train ne serait pas mal au regard de ma propre appréciation de la situation. Mon acte serait toujours illégal, soit, mais serait-il mal? Serait-il mauvais d’aller jusqu’au bout d’un acte que je pourrais commettre au nom de croyances que, rappelons-le, je serais libre d’avoir? Rassurez-vous, je suis athée comme c’est pas permis et mon train arrivera entier en gare mais interrogez-vous un peu sur ce point.

 

La morale, parce qu’elle est subjective, est bancale. Ce que j’essaye de vous dire c’est que les notions de bien et de mal sont plus qu’obscures voire inutiles. De fait, c’est souvent la loi qui permet de donner les grandes lignes de cette qualification manichéenne de l’existence. Right. Sauf que la loi est changeante, je vous rappelle, et c’est une juriste qui vous le dit. La morale l’est encore plus. Reprenons l’exemple du crime pour motif religieux. De nos jours, on parle de terrorisme intégriste et ça consiste à répandre la terreur par des actes de violence principalement à l’égard des civils. C’est vachement mal de tuer des petits innocents. N’empêche que les croisades, c’était super bien pour aller au paradis à l’époque et que celui qui n’a jamais tué d’innocents pendant une guerre sainte me jette la première pierre. En règle générale, d’ailleurs, la notion de meurtre a toujours été plus que discutable dans son approche morale. Non parce que, Hitler, les juifs, quand il les a génocidés, c’était quand même super bien dans son régime. Bush, quand il a envoyé son armée en Irak, il était peut-être pas fier de tous les irakiens tués, n’empêche que c’était pas si mal que ça. Et l’exemple de l’Irak, il est toujours là. On fait la guerre pour le bien commun. Donc le bien commun est une notion de bien absolu qui permet de relativiser certains actes qui, eux, sont mauvais? Et le bien commun, c’est quoi? Est-ce que c’est agir comme on peut, de façon efficace, quitte à faire le mal, pour permettre à la majorité de vivre la conscience tranquille et de continuer de détruire la planète? Ouais? Non? On doit penser quoi nous, philosophes amateurs, au milieu de ce bordel ambulant?

Donc voilà. Niveau morale, j’ai abandonné l’idée de me conformer à la norme et je me crée la mienne. Ce que je fais est ce que je dois faire parce qu’il convient que je le fasse dans un soucis de rentabilité psychologique et physique (avec une bonne dose de prise de risques que j’apprends aujourd’hui à gérer en vue de devenir une adulte responsable). Mais si, selon la norme commune, j’agis mal, est-ce que j’agis mal pour autant? Pouvons-nous, nous personnes libres de conscience et d’arbitre, accepter sans broncher que des personnes bien pensantes dont nous ignorons tout influent sur nos actes en choisissant à notre place si ce que nous faisons est bien ou mal?

 

Merde, c’est que ça me perturbe un peu tout ça mine de rien.

 

En pénal, j’ai pu étudier l’état de nécessité ou la légitime défense, ça m’a encore plus perdue. Je m’explique. L’état de nécessité est une forme de contrainte humaine absolue, c’est le cas, par exemple, de la femme qui vole du pain sans quoi elle mourra de faim. Concrètement, c’est commettre un vol, acte illégal, ou crever. La législation française estime que l’état de nécessité est ce qu’on appelle un fait justificatif qui ôte l’assise pénale à l’infraction. Le délit n’existe plus. C’est magique. Donc, si la nécessité l’impose, le crime n’est plus caractérisé, l’acte n’est pas mauvais. Sauf que si, moi, demain je vole du pain, je me fais coffrer pour infraction de vol. L’acte, les faits, restent les mêmes, dans un cas c’est pas grave, dans l’autre c’est mal. Tout dépend du contexte, de la justification. Finalement, on ne peut pas vraiment dire qu’il y ait une notion précise de bien et une notion précise de mal. J’aime à penser que tout n’est qu’une histoire de respect, sauf que, malheureusement, je crois que cette valeur-ci se perd de plus en plus dans le monde contemporain.

 

Réfléchissez-y la prochaine fois que vous vous retrouverez à penser ou à dire que quelque chose est mal ou bien. Chose faite, venez partager votre expérience avec moi, éclairez-moi. Je suis curieuse.

 

NB – Ceci est une étude morale objective. Je ne justifie pas le terrorisme ni la peine de mort, mon avis personnel sur ces sujets n’est pas évoquée, je vous demande seulement de vous interroger quant à leur qualification morale. Merci de ne pas me rentrer dans le lard pour mon choix d’exemples dits sensationnels, choquants, etc. Vous choquer, c’est encore le but recherché.

La phrase du titre, c’est la phrase qui m’a poursuivie toute la journée, comme une doucereuse litanie, entêtante et tellement vraie… Cependant, plus qu’une simple phrase, c’est aussi une réplique du fameux Fight Club qui, au-delà d’être le film offrant la meilleure performance de Brad Pitt (pour ne pas dire la seule), est avant tout un livre. Ouais, un livre. Pas n’importe quel livre, en plus – non, non, non – un livre de Monsieur Charles Michaël « Chuck » Palahniuk. Et paf, ça fait un sujet!

Chuck Palahniuk, c’est sans doute l’écrivain le plus trash du XX° et je déconne même pas. Mais commençons par un petit topo généraliste, histoire de faire les choses bien.

Charles Michael « Chuck » Palahniuk (né le 21 février 1962 à Pasco, dans l’État de Washington) est un romancier satirique américain et un journaliste indépendant vivant près de Vancouver, Washington[1]. Après des études de journalisme qui ne lui permettent pas de vivre de ce métier, il devient mécanicien pendant 10 ans. Il écrit à cette époque Monstres Invisibles qui est refusé par les éditeurs en raison de son contenu trop provoquant. Il entreprend alors l’écriture de Fight Club qui rencontre un succès notable et est porté à l’écran en 1999 par David Fincher. Il est assimilé au mouvement dit d’Anticipation sociale.
Merci Wikipedia.

Plus concrètement, Palahniuk ne souffre aucun tabou. Il parle de tout comme il le souhaite et il fait ça bien. Son style, inspiré d’artistes comme Salinger, Tom Spanbauer ou Bret Easton Ellis, est considéré comme minimaliste. Le minimaliste, contrairement à ce qu’on pourrait penser, n’est pas l’auteur qui décide de ne faire que le strict nécessaire. Enfin, pas vraiment. Le minimalisme, c’est l’art d’utiliser un vocabulaire abordable par tous, des structures épurées & des phrases courtes pour transcrire ces récits dans un style relativement proche du parlé quotidien. Le but recherché par le minimaliste est de s’ouvrir davantage à ses lecteurs qui se sentent alors plus proches du texte (et s’en prennent donc carrément plus dans la gueule, sic.).

Plus en amont, Palahniuk, en plus de choquer, est aussi un homme qui pense. On se gave de ses réflexions en apartés, mélange de discours philosophiques et de théories absurdes, souvent misanthropes. Il y a Chuck Palahniuk et le sexe, Chuck Palahniuk et la violence, Chuck Palahniuk et la société, Chuck Palahniuk et la religion, Chuck Palahniuk et la morale, Chuck Palahniuk et la mort, Chuck Palahniuk et la considération humaine. Chuck Palahniuk qui ne respecte rien ni personne et c’est pour ça que je vous en parle.

Allez, pour le kiffe. Combo citations.

Et puis, quand ils sont épuisés, les hommes et les femmes vont à l’église.
Et ils se marient.
Être fatigué n’est pas la même chose qu’être riche, mais la plupart du temps c’est assez proche.
[Fight Club]

Sur une durée suffisamment longue, l’espérance de vie tombe, pour tout le monde, à zéro.
[Fight Club]

Tu dois admettre qu’il est possible que Dieu ne t’aime pas du tout. Il ne t’a jamais voulu. En toute probabilité, il te déteste et ce n’est pas ce qu’il peut t’arriver de pire. On n’a pas besoin de lui mec ! On n’en a rien à foutre de la damnation ni de sa sa foutue rédemption. On est les enfants non désirés de Dieu, très bien !
[Fight Club]

Au diable, l’idée d’inventer des monstres. Ici, il nous suffit de regarder parmi nous. D’être attentifs.
[A l’Estomac]

Et si Adam et Eve n’étaient pas tout bonnement les chiots que Dieu a largués parce qu’ils refusaient de devenir propres ?
[Berceuse]

Nécessairement, ça envoie un peu le pâté comme dirait mon co-bloggueur.

Et puis, tout ça, ça vous donne des références à vous procurer, forcément. Peste, Fight Club, A l’Estomac, Monstres Invisibles – ça, c’est ce que j’ai lu sur conseil de Shida – vous avez aussi Choke, Berceuse & le Festival de la couille et autres histoires que je n’ai pas encore lus.

Quelques mots sur l’un de ceux que j’ai lu? A l’Estomac. De loin le manuscrit le plus dégueulasse de Palahniuk, tant et si bien qu’on se demande parfois si notre estomac, à nous, ne va pas lâcher. L’histoire se base sur un scénario banal au possible. 23 lambdas répondent à une annonce qui leur propose de s’isoler pendant trois mois, trois mois où ils pourront tous se libérer de leur quotidien pour se consacrer enfin, de façon pleine et entière, à leur art, sans jamais être emmerdés par le monde extérieur. A dire vrai, le scénario est tellement bateau que ça fait un mauvais roman. Ouais. Mais ça fait une série de nouvelles complètement délirantes… Je ne peux pas vous en dire plus, sinon je gâcherais la beauté de la lecture, mais je vous assure que ça vaut le coup. [ à lire à jeun, par contre ].

Je suis le cerveau malade de Jack.

Ps : coup de cœur de lectrice aujourd'hui, ici.